Entretien/Discussion avec Laurent Redoulés/LeSalonReçoit.Toulouse

Laurent Redoules : Le blanc dans ce travail des KVidéosExquis est extrêmement présent. Il me fait penser d’une certaine façon à l’aliment blanc de Malaval... 

Anne-Marie Jeannou : oui, tout à fait...
 

L.R. : ... et au travail archéologique des tables de Spoerri, enterrant dans l’état où elles étaient à la fin du repas.   

A-M. J. : Mais la différence se trouve dans le médium vidéo que j’utilise.... le dîner blanc m’amène à un travail existentiel contemporain qui se trouve dans la vidéo, définit par un début, un développement et une fin. Celle ci fait oeuvre, dans une boîte de DVD. On peut aussi référer les KVidéosExquis à l’esthétique relationnelle des années 90 mais la rencontre débute par un don, les oeuvres de Felix Gonzales Torres et l’Essai sur le don de Marcel Mauss ont alimenté ce désir.
 

L.R. : En creux, je ne peux extraire cette idée de la présence de la mort à travers cette association d’images entre le blanc dans l’histoire de l’art du 20ème siècle et la Cène.   

A-M. J. : Oui, je l’intègre comme des strates possible dans la lecture de ce protocole d’actions, de la perte de ce temps qui n’existe déjà plu. Ce sont des poupées russes qui s’imbriquent les unes dans les autres, j’aime à penser que ce sont des ouvertures. J’avais écrit il y a quelques années ...
 

« Comment définir
si le fruit ou le légume
la viande où peut-être, le poisson
m‘ont nourri en premier.
Je ne sais. Tout est là, en moi... » 

                   

L.R. : Quels sont tes racines ? d’où tires-tu le matériau de ton oeuvre ?   

A-M. J. : L’alimentation, la table sont des éléments prédominants car j’ai grandi dans un
environnement où la gastronomie était omniprésente, un hôtel/restaurant. Souvent le partage du goût, des saveurs, cette curiosité permettait de faire comprendre à l’autre l’intérêt qu’on lui portait ; plus le mets était délicat, plus le vin était capiteux, plus la relation était profonde.
 

L.R. : Comme la cuisine, l’art s’inscrit-il dans ton histoire familiale ?   

A-M. J. : Je ne sais pas, c’est tellement là, je ne saurais pas dire quand cela a commencé. Je parlerai peut-être d’une évidente évidence, sourire.
 

L.R. : Attends-tu une réaction de ton public ?   

A-M. J. : Non, j’attends une action dans ce temps que j’ai posé.
 

L.R. : Duchamp recherchait une sorte de non-goût, es-tu en réaction vis-à-vis de cela ?   

A.M. J. : C’est un peu difficile de répondre, Duchamp dit que le faire, l’art ne peut être définit comme une question de goût car le goût, en esthétique, est source de plaisir et l’art n’est pas une source de plaisir, et je suis d’accord avec lui. Mais les dîners blancs ne sont que des moyens, un passage pour révéler la complexité d’un individu à travers une association, un montage, de textures, de saveurs ce n’est que le liant de la sauce qui doit prendre....
 

L.R. : Dans quel type de culte, situerais-tu le rituel que tu as mis en place ?   

A.M. J. : Dans une révélation de tout être pris singulièrement dans une espèce quelconque....
 

L.R. : Y a-t-il une dimension sociale, qui produit du lien social. Penses tu que l’artiste est celui qui
structure et organise ce lien ?   

A.M. J. ; Oui d’une certaine façon, il y une dimension sociale, mais non l’artiste peut difficilement
enfin pour ma part, structurer et organiser celui-ci. C’est un temps ou un regard qui est posé, un
moment où peuvent se passer ou non la rencontre.... Le résultat n’est pas obligatoire.
 

L.R. : Y a-t-il un contenu politique dans ton oeuvre ?   

A.M. J. : Etre un artiste et faire oeuvre est un contenu politique en soi. Nous donnons à la cité sans
savoir si celle-ci nous offrira un regard.
         
ENTRETIEN DISCUSSION              

Anne-Marie Jeannou et Laurent Redoules, Galerie LeSalonreçoit//Toulouse
réalisé lors du Dîner Blanc sur invitation de Jeanne Susplugas
KVidéoExquis#1Paris du 06/05/2011